La mort absurde des Aztèques, une œuvre prémonitoire de Mouloud Mammeri
La mort absurde des Aztèques, une œuvre prémonitoire de Mouloud Mammeri
Toutes les œuvres de Mouloud Mammeri portent en elles une dimension
humaine et politique. S’il y a une d’entre elles qui a anticipé sur des
événements, c’est bien la pièce de théâtre intitulée «Le banquet ou la
mort absurde des Aztèques». D’entrée de jeu, l’auteur déclare que la
mort des Aztèques offre la version nue d’une tragédie devenue
planétaire. Aujourd’hui, les faits vécus de part le monde ne cessent de
lui donner raison. L’agression espagnole sur les Aztèques fût le point
de départ de cette tragédie. En effet, parti avec 400 hommes, le chef
militaire espagnol, Cortés, va venir à bout du peuple Aztèque du Mexique
guidé par Montezuma. En trois années seulement de la conquête engagée
de 1519 à 1521, tout va s’écrouler. On s’explique mal encore aujourd’hui
qu’un simple bataillon en vienne à anéantir toute une civilisation
plusieurs fois millénaire. Mais l’histoire des Aztèques n’est qu’un
sujet d’exemple, un prétexte pour dénoncer tout acte génocidaire fait
sur une langue, une culture, une civilisation ou encore un peuple. La
pièce théâtrale, émouvante et poignante, dépasse la dramaturgie elle
même dans l’espace et dans le temps car «quatre cent ans après la mort
des Aztèques, des civilisations meurent encore», disait l’auteur. Ce
drame survenu à quatre siècles de distance de notre époque et fixé par
un genre dans la communication théâtrale pose plus que jamais la
problématique des minorités. L’étude et la recherche du message contenu
dans la pièce de théâtre de Mouloud Mammeri nous mène à une étrange et
intrigante découverte de similitudes avec des événements tragiques
d’actualité. Ce rapport de ressemblance, établi avec la mort absurde des
Aztèques, témoigne que d’autres communautés, d’autres peuples sont
encore menacés dans le monde lors qu’ils n’ont pas tout simplement
disparus. En imprégnant une analogie à son texte, l’auteur veut
signifier que toute civilisation est tout possiblement mortelle, mais
que toute mort reste absurde, toute conquête de peuplement reste
inacceptable, tout complot visant les groupes humains reste criminel.
Ainsi et pour illustration de l’analogie, au Kosovo, le drame humain qui
a pris des dimensions génocidaires a eu comme point de départ la
répression culturelle, en Kabylie tout porte à croire qu’il a failli en
être de même, les Indiens du Guatemala ont failli aussi disparaître et
Saddam n’a pas hésité à gazer les Kurdes. Mais l’homme de théâtre
qu’était Mammeri se refuse à toute capitulation à tout pessimisme. Il
dira que «le siècle qui a sécrété le poison a aussi produit l’antidote».
En effet, aujourd’hui, les peuples et les communautés résistent, les
organisations non-gouvernementales s’interposent tant bien que mal à
tout nouveau génocide, les peuples se rapprochent de plus en plus. Ils
se connaissent, se découvrent et refusent de se faire les guerres.
L’antidote annoncé par Mammeri fait certainement confiance à l’évolution
de la pensée humaine qui rejette toute forme de violence et de racisme.
Il est vrai aussi qu’aujourd’hui, le droit international offre des
garanties et protection aux minorités même si cela demeure insuffisant,
car les puissances ne cèdent en rien devant leurs intérêts. Si Dda
Lmulud a choisi de partir d’un événement historique vérifié et
vérifiable, c’est sans doute pour rendre plus humaine la vie des hommes
et porter l’humanisme par de là nos frontières, nos nuances et nos
différences, car disait-il : «l’histoire des Aztèques est la notre».
Abdennour Abdesselam
(kocilnour@yahoo.fr)

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